Le Nord perdu fut publié par les Editions Cairn (1, rue Justin Blanc, 64000 PAU. 05.59. 27.45.61). Après l'Exemple du poème, une préface qui en explique le circonstance (une enquête sur la vie et le déclin des langues), il comporte un poème de trois sections : Premièrement voix-plaine pour que soit répondu à une question première ; Deuxièmement voix-deuil pour toutes les langues, petites et grandes ; Troisièmement voix-feu vers le Régent afin d'apostropher.

Une seconde moitié du livre est consacrée à la traduction en occitan, par Sergi Javaloyès, du texte français.

 

 

La langue, je ne sais pas. Quoi que je dise ce n'est pas elle.

Seulement je suis debout, je tremble, comme si venu vêtu d'une cuirasse très vaine.

Je sais qu'on n'est jamais que commençant - d'aucun calendrier. Je suis du Nord ma marche manquante.

Et donc, je sais qu'il faut s'y mettre selon ses initiales. Poète, guerrier : qu'est-ce qu'on est d'autre ?

Ainsi, lorsque le mot "racines" reprend comme un démon, je prononce le mot "source". Mais si ma lourde rivière met son poing dans ma bouche, j'éveille mon côté pitre un peu Quasimodo.

Car il y deux façons pour un poète. C'est juif ou romantique, il faut choisir. Vieux débat du poème en-avant contre phrase mortuaire.

Ou sinon le soleil qu'on espère est un soleil couché.

Et comme Arnaut chassait le lièvre avec un boeuf, il nous est demandé de descendre aux cavernes où l'on amasse le vent.

Et à chacun de dire sans forfanterie, voulant rapatrier sa tâche dans le cercle des hommes :

moi venu du pays du fardeau, je suis le menuisier de l'imminent.

Je devine que ça vient comme un poumon de mer obtuse. Puis ça bouge comme soldats qui courent prendre leur rang - mais jamais à leur place, c'est ça le rythme.

D'où ce côté Whitman-Brueghel un peu, qui peut me dire pourquoi ?

Poème ne dit jamais pourquoi : il le dit.

Voilà ça ne s'arrête pas, il ne faut pas que ça s'arrête jusqu'à ce que - le temps de traverser la faiblesse des faiseurs d'épopées.

On ne sait qui prononce : c'est donc ta vie. Qui décide tout d'un coup de mon poème géographique, de mon poème suaire, de mon poème furieux.

Mais je voudrais qu'ici rien ne soit vu de moi, ni de ce que ma voix désire ailleurs que dans son souffle.

Le Nord perdu. (Prologue)

 

 

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