Le Pays des basques fut publié en 2002 par les éditions In Octavo (24 rue du Pont Louis, 64230 Lescar. 05.59.77.83.94). On y décline la notion de pays sous quatre aspects : la terre (Euskal Herriak), l'histoire (Lo Vasco), la langue (Eskuara) et la réclamation (Herria, Herria). Il est en outre illustré de quatre tableaux de Jeanne Teillet (05.59.62.11.77).

 

L

es Basques sont un peuple singulier. Ce qu’ils prétendent eux-mêmes, linguistes et historiens l’ont montré à l’envi. C’est bien « la plus délibérée nation qui soit ». Je ne suis pas un autre, disent-ils, un autre n’est pas moi. De tous, nous sommes les plus anciens, et autrement que tous nous n’avons point changé. Au moins désignent-ils qu’une frontière sépare non pas des territoires, mais une communauté d’une autre.

C’est vrai, si cette étroite terre d’Euskal-Herri, celle où l’on parle basque, n’a pu rester indemne de tout métissage culturel, si donc son être a pu changer — elle fut païenne en temps de Chrétienté, chrétienne encore par ces temps d’incroyance — c’est l’être le plus stable qui soit. Mais c’est faire vertu, peut-être, d’une sorte d’impuissance à l’Histoire. Le plus curieux, en effet, c’est que cette permanence tenace, un peu farouche, ne réussit à s’incarner dans aucune forme de cohésion politique, qu’elle resta même indépendante de toute conscience nationale. Oui, c’est vraiment un des rares peuples à s’être défini sans qu’une élite ait façonné ce qu’on appelle une identité. Avec le temps, du coup, la Basquité parut d’autant plus forte qu’elle fut sinon imaginaire, pour une grande part au moins séparée de toute œuvre. Ce qui, sans doute, ne va pas sans question.

On peut, toute sa vie, vouloir le cercle des légendes et cultiver les mythes comme une sorte d’abri. Affirmer que la race, la langue, si même il faut serrer les poings quand il faut le redire, seront « notre maison ». Mais c’est aussi se condamner : le temps exige que rien ne se répète. Ou c’est imaginer qu’il suffirait à l’homme, comme un arbre, de répandre ses fruits. Qui sait ? Ne fait-on pas aussi le lit de son déclin à trop plaider pour soi ? On n’est soi-même que librement, et non par ce décret qui montre qu’on n’est pas sûr.

On peut, tout au contraire, ne reconnaître à l’homme qu’une seule issue : le risque de l’Histoire, qui est projet et arrachement, plus que vraiment un exercice de piété. Or c’est choisir une dialectique plus subtile, évidemment moins confortable qu’aucune de ces puretés au reste toujours fausses. Et parfois, accepter que l’on parle, car c’est la loi du temps, de trahison fidèle. Alors le heurt de l’étranger, si on pardonne son ignorance, si on accepte qu’il dépayse, peut être secourable.

 

 

Page précédente Page suivante