La
Main au geste qui rassure a
été publié en 1987, par les éditions Vallongues,
avec l’aide du Centre National des Lettres. Il a été
tiré, sur Centaure ivoire 170g, 300 exemplaires de 48 pages numérotés
de 1 à 300. Ce
livre rassemble huit poèmes : Sur un calice absent ;
Notre-Dame la Grande ; Cœur compagnon ; Chanté sous
l’étrivière ; Quelque part dans l’inachevé ;
La seule qui avait vu ; L’obéissance ; Le Halbran. |
LE HALBRAN
r je levai les yeux, par ce jour de novembre, sur l’annuelle
remue des canards, touchant un pouls plus vaste que l’invisible
gris. Nul souffle, sinon les cris, ne soulevait cette lanière d’oiseaux. Un corps, plus que trop d’ailes
dans le froid, luttait pour l’unité. Le front que toutes
faisaient à l’air, des bêtes en leur vouloir, avait,
des fermes géométries, l’épure d’une
notion. Mais – fatigue, faiblesse, ou givre sur les ailes –
quoi meurtrissait l’âme partagée ? – Encore
une fois, qui n’était pas d’un seul. Vit-on sur les étangs des noyés
tendre leur bouche ? – Quand l’on tire sur la rive aux
membres entravés des filins de colère, non, des vieilles
leçons de nage, les aide moins le souvenir ! Ils sont tant
sans mesure, ces cris de fou, que le cœur qui voit la mort trait
après trait se boire, maçonne un fond sous le fond, –
et sous la main une herbe. Que l’un des ces oiseaux perdît
sa force, et le voici tombé dans une nasse, dans le concert des
cris. Il aurait affirmé : « l’Amour m’a
deviné », lui, si la conscience lui fût venue. L’un dérivait vers l’attardé,
un autre sur l’autre aile, puis un encore, et nageait tout un groupe
aux flancs de l’affaibli, emportant son courage, offrant des cris
à son cri. Le triangle initial entrait dans un désordre :
déjà la Peur qui lâchait prise tombait dans l’arc
d’une aile vaste, – unie déjà au même
souffle des oiseaux. On a dû voir, dans le silence
du Samedi-Saint, sous même un ciel plus froid, pareil passage. La
voix que l’on cherchait, l’absente qui referait les cœurs,
fut moins qu’un vol de canards, et demain serait à la vie. Levant les yeux sur le halbran qu’ameute une unanime main, je vins à murmurer : « Dès lors je ne pourrai plus dire : quand je mourrai, c’est comme si rien n’avait eu lieu. » |
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